Sur les traces de Pagnol
On m’avait prévenu : avec sa grande prairie, Pichauris fait paysage à part dans le concert de reliefs des massifs de l’Étoile et du Garlaban. C’est du reste par un grand portail de style aristocratique fait de pierres de taille et de fer forgé qu’on accède au parc. J’y suis arrivé en voiture par la route départementale 908, la fameuse route des Termes qui file à partir d’Allauch vers Peypin.
L’entrée se fait au niveau de l’Auberge de Pichauris qu’affectionnait particulièrement Marcel Pagnol. La rando démarre au fonds du parking par le chemin des Pradeaux, un large sentier agréablement bordé de fontaines où s’attardent les promeneurs sous la fraicheur de la canopée. Le hameau est au bout, tracé derrière une belle clairière où paissent parfois les troupeaux. On peut y flâner, s’asseoir sur un muret, se coucher dans l’herbe, sortir un pique-nique de son sac, un ballon pour les enfants, faire le tour de la pelouse, ou s’enfoncer dans une nature plus sauvage en abandonnant le grand chemin.
C’est ce que je me décide de faire après avoir longuement lézardé dans l’insouciance de la grande prairie. Passé l’hôtel à insectes, un panneau indique les chemins des possibles : la boucle du Château de Ners en 5,7 km, celle des Grands Ubacs en presque 13 km, le puits de l’Aroumi à 3,8 km…
Pas le temps aujourd’hui. Je choisis de rejoindre la table d’orientation à moins d’un kilomètre, histoire de me saturer les nerfs optiques sans trop suer. Je marche vite. Le raidillon qui me brûle les cuisses et les poumons promet un beau panorama. Et c’est bien le cas. Je découvre un nid d’aigle qui étend le regard à 360 degrés sur les reliefs de Provence, du pays d’Aubagne aux Monts Auréliens jusqu’à la montagne Sainte-Victoire et le Regagnas. La vue m’apaise et dope mes envies de plus, comme en montagne après un col.
Je décide de poursuivre mon chemin entre les genévriers, les buissons d’argelas, les bouquets de cistes cotonneux et les chênes kermès sur le sentier de droite qui part vers La Parloire, le balcon d'une barre rocheuse en demi-cercle. La fatigue a disparu. Je récupère un sentier caillouteux qui gravit les grandes marches de l’Escalier du Goï (le boiteux en provençal). Le raidillon est sévère, alternant roches naturelles, éboulis et passages aménagés de rondins de bois. Après un tunnel végétal, je débouche enfin sur le plateau flanqué d’un poste de chasse en pierre. J’embrasse la rade de Marseille, du Frioul à l’Estaque. Je m’aventure. Le puits de l’Aroumi m’attend là, fier coffre de pierre protégeant la plus grande richesse des collines. Un clin d’œil à Manon et demi-tour. Une piste légèrement à gauche me raccompagne sans difficulté jusqu’au parc.
Le soleil pâlit à l’horizon. J’en ai oublié le temps. L’amnésie des grands espaces…
Paul.
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